Etty Hillesum : « ce que j’ai de plus intime… »
Mon ami Jopie…
Il m’a fallu deux soirées pour me décider à lui raconter… ce que j’ai de plus intime.
Pourtant, j’avais très envie de le lui dire, comme on fait un cadeau.
Alors, je me suis agenouillée là, sur cette lande,
et je lui ai parlé … de DIEU.
Etty Hillesum – Camp de Westerbork 1942
• Saint Augustin : » Dieu, plus intime de moi que moi-même…’
Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors
et c’est là que je te cherchais,
Tu étais plus intime à moi que moi-même…
Saint Augustin – Les confessions
• Leonard Cohen; une fissure par où entre la lumière…
Il y a une fissure dans toute chose ; c’est ainsi qu’entre la lumière.
Leonard Cohen
• Péguy : un horrible blessure… ceux qui ne sont pas blessés ne seront pas guéris…
Charles Péguy – Cité par Paul Baudiquey dans « Un évangile selon Rembrandt »
«Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée.
C’est d’avoir une pensée toute faite.
Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise âme et même de se faire une mauvaise âme. C’est d’avoir une âme toute faite.
Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme même perverse. C’est d’avoir une âme habituée.
On a vu les jeux incroyables de la grâce pénétrer une mauvaise âme
et même une âme perverse et on a vu sauver ce qui paraissait perdu.
Mais on n’a pas vu mouiller ce qui était verni,
on n’a pas vu traverser ce qui était imperméable,
on n’a pas vu tremper ce qui était habitué…
Les « honnêtes gens » ne mouillent pas à la grâce.
C’est que précisément les plus honnêtes gens,
ou simplement les honnêtes gens,
ou enfin ceux qu’on nomme tels, et qui aiment à se nommer tels,
n’ont point de défauts eux-mêmes dans l’armure.
Ils ne sont pas blessés.
Leur peau de morale, constamment intacte, leur fait un cuir et une cuirasse sans faute.
Ils ne présentent point cette ouverture que fait une affreuse blessure,
une inoubliable détresse, un regret invincible,
un point de suture éternellement mal joint,
une mortelle inquiétude, une invincible arrière-anxiété,
une amertume secrète, un effondrement perpétuellement masqué,
une cicatrice éternellement mal fermée.
Ils ne présentent pas cette entrée à la grâce qu’est essentiellement le péché.
Parce qu’ils ne sont pas blessés, ils ne sont pas vulnérables.
Parce qu’ils ne manquent de rien, on ne leur apporte rien.
Parce qu’ils ne manquent de rien, on ne leur apporte pas ce qui est tout.
La charité même de Dieu ne panse point celui qui n’a pas de plaies.
C’est parce qu’un homme était par terre que le Samaritain le ramassa.
C’est parce que la face de Jésus était sale que Véronique l’essuya d’un mouchoir.
Or celui qui n’est pas tombé ne sera jamais ramassé;
et celui qui n’est pas sale ne sera pas essuye. »
Charles Péguy