Je viens de trouver cette réflexion très profonde d’Aimé Michel, écrite en 1975, prophétique…
LE GRAND DESSEEIN :
Voir d’où nous venons nous dit où nous allons.
(Aimé Michel – Question Den° 7, 1975. Extraits)
L’avenir est un gouffre. C’est sur ce gouffre que je me penche.
Quel est-il?
Je dis premièrement que la question n’est pas vaine.
Car si par une voie quelconque nous arrivions à nous faire une idée du futur, tout le sens du présent s’en trouverait changé.
Ce n’est pas rien de SAVOIR…
…pourquoi l’on aime, l’on souffre, l’on vieillit, l’on meurt.
Le désenchantement matérialiste naît de son absence d’avenir.
Je dis ensuite que cette question n’est pas davantage chimérique, car la science cosmologique et l’ensemble des faits d’évolution que je viens d’évoquer donnent son vrai sens au mot de Valéry: « Nous entrons dans l’avenir à reculons ».
À reculons, certes, parce que notre regard ne porte que sur le passé et que nous ne pouvons connaître que lui directement.
Et je me désespère, je l’avoue, de n’avoir jamais su trouver une expression fulgurante à cette fulgurante révélation jetée à notre face par la science récente.
Parce que voir d’où nous venons nous dit où nous allons.
Essayons de comprendre cela.
La genèse d’une étoile et de ses planêtes
La genèse d’une étoile de type solaire est une chose longue, complexe, pleine de rebondissements, et qui part de très loin.
À l’origine, je l’ai dit, tout n’est qu’hydrogène.
Or à mesure que les événements se succèdent dans l’espace céleste, et cela dès le début, on voit ces événements évoluer dans un sens, toujours le même, celui qui aboutit, après des milliards d’années, à la formation de l’étoile, comme si elle était le but assigné à la machine cosmique.
Un but? Mot énorme! Mot encore naguère hérétique et maudit!
Et cependant les substances les plus abondantes dans une telle étoile de type solaire sont dans l’ordre l’hydrogène, l’hélium, le carbone, l’azote et l’oxygène.
À l’exception près de l’hélium, qui joue un rôle particulier dans la combustion, l’étoile a donc déjà la formule générale des corps vivants.
Moi aussi, je suis fait essentiellement d’hydrogène, de carbone, d’azote et d’oxygène.
Autrement dit, encore une fois, tout se passe comme si l’immense alchimie cosmique tendait, inexorablement, à faire apparaître les éléments de la vie.
Eh bien, il se trouve que c’est précisément à cet instant-là, quand le tableau chimique de la vie est obtenu dans l’étoile, que celle-ci se met à enfanter un système planétaire.
Les datations, notamment obtenues grâce à l’astronautique, montrent que la formation du système solaire avec ses planètes précède tout juste l’apparition de la vie sur Terre.
Comme je l’indiquais plus haut, la vie n’a pas attendu.
Elle est apparue aussitôt, avec la même patiente hâte que tous les événements qui l’avaient préparée.
Les planètes datent de quatre milliards d’années, les plus anciennes traces de vie de trois milliards huit cents millions d’années.
Et l’on sait qu’aussitôt apparue, la vie s’est mise à évoluer de plus en plus vite dans le sens de la complexité.
Quand on regarde dans la lunette, c’est bien le passé seulement que l’on voit.
Quand donc, imitant Galilée, on regarde dans la lunette, c’est bien le passé seulement que l’on voit.
Mais un passé limité et obstinément orienté.
Si incompréhensible que cela soit, notre monde a commencé, puis a évolué vers la vie et la pensée comme un œuf en couveuse.
C’est ainsi que les choses apparaissent à l’observation.
Cela ne découle d’aucun raisonnement, cela n’implique aucune hypothèse, aucun système. C’est ainsi, tout simplement.
C’est à cela qu’il faut adapter ses théories et ses croyances, si l’on tient à en avoir.
Toute idéologie qui suppose autre chose est dans l’erreur. Elle se heurte aux faits, elle les nie, elle est donc promise au sort des rêveries sans fondement.
Cette analyse, ou plutôt cette description, nous montre en particulier que tout système centré sur l’homme est un leurre, une illusion de myope. Étant donné que l’évolution n’a pas cessé, qu’elle se poursuit ici, sur la Terre, sous le nom d’histoire, l’homme ne saurait être au centre de rien.
L’homme n’est que le sommet provisoire d’une évolution locale,
celle de la Terre.
Le propre de l’humain est de pointer vers le surhumain
« L’Univers est une machine à fabriquer des dieux » (Bergson)
L’aberration de notre temps, monstrueuse à la vérité parce qu’elle est inexcusable, c’est de ne pas voir que le propre de l’humain est de pointer vers le surhumain.
L’Univers est bien, comme l’avait dit Bergson, une machine à fabriquer des dieux: voilà pourquoi l’histoire s’accélère.
Elle a hâte de franchir l’homme, ce chaînon. Je crois que le vide dont nous souffrons présentement a une signification cosmique, universelle.
L’angoisse qui pèse sur nous naît de notre inaptitude à n’être que des hommes.
L’homme est une légende.
Dans les pays où l’esprit n’est plus asservi aux seules tâches du salut corporel, il ne sait quoi inventer pour échapper à sa destinée surhumaine. C’était si simple d’être le roi des animaux !
Trop tard. Le souffle du big-bang continue de résonner dans l’immensité de l’espace-temps. Il nous pousse au-delà de nous-mêmes, vers l’inconcevable.
Mais de cet inconcevable, du moins, pouvons-nous dire quelque chose:
c’est le signe PLUS !
Notre futur…
…c’est davantage de conscience, davantage d’intelligence, davantage d’amour.
Notre futur, c’est davantage de conscience, davantage d’intelligence, davantage d’amour. Cela, c’est sûr.
Ou alors, c’est un passé de quinze milliards d’années qui se trouverait démenti.
Quand on a une fois, une seule, pénétré au cœur de ces faits, tout paraît changé. Le présent prend un autre sens.
On ne cesse de découvrir en lui les promesses du futur.
La vie et la mort personnelles sont rétablies dans ce qu’elles sont réellement: des péripéties.
J’ai écrit précédemment que l’angoisse du matérialisme naît de son absence d’avenir.
Et en effet, quel sens accorder à la vie fugitive de l’homme dans un monde éternel?
Quelle valeur?
le monde n’est pas éternel, il est un travail qui s’accomplit, qui s’achemine vers un but.
Nous ne pouvions espérer de la science nulle révélation plus bouleversante que celle-ci: le monde n’est pas éternel, il est un travail qui s’accomplit,
il est un travail en cours qui s’achemine vers un BUT.
Ce travail a commencé et s’est développé jusqu’à nous en laissant des traces que la science décrypte.
Tout donne à penser qu’ailleurs, dans l’environnement des étoiles plus anciennes que le Soleil, l’immense et mystérieux projet des choses est plus avancé qu’ici.
Nous ne sommes pas seuls.
La condition surhumaine où nous courons existe déjà ailleurs.
Notre aventure a une signification, elle s’inscrit dans un dessein.
C’est l’homme, dernier produit de cet enfantement,
qui a lui-même produit toutes les valeurs morales…
Et nous savons que ce dessein est bon,
puisque c’est l’homme, dernier produit de cet enfantement,
qui a lui-même produit toutes les valeurs morales.
Elles étaient donc inscrites dans le Grand Dessein.
Elles sont un de ses buts.
«Tu ne douterais pas de moi… sans l’ESPRIT que patiemment je t’ai créé.
C’est Moi, dit la Pensée antérieure à toutes choses,
c’est Moi qu’en doutant, tu attestes. »
Sans commentaire!
Aimé Michel – dernier message 1975