Mes lectures du jour
Je venais de me lever, d’écouter France Info, de m’indigner ( je ne sais plus de quoi),
de m’émouvoir (je ne sais plus de quoi non plus ), de ricaner de la sottise,
de me sentir BON, satisfait,
de me préoccuper des infimes problèmes de ma vie quotidienne,
…lorsque j’ai eu le malheur d’ouvrir distraitement un livre, et de recevoir cette gifle en pleine figure.
Merci aux poètes ( …on croirait de la prose de Rimbaud) qui, pour quelques instants, nous sortent de notre hébétude !
ET VOUS ? est-ce que, comme moi, vous vous sentez concernés par ces imprécations terribles ?
Comment les siècles futurs jugeront-ils votre temps?
Philippe Claudel
Préambule du roman : L’archipel du chien (2018)
(c’est moi qui ait lourdement souligné en gras les phrases qui m’interpellent.
Claudel est plus discret, …et d’autant plus féroce )
Vous convoitez l’or et répandez la cendre.
Vous souillez la beauté, flétrissez l’innocence.
Partout vous laissez s’écouler de grands torrents de boue.
La haine est votre nourriture, l’indifférence votre boussole.
Vous êtes créatures du sommeil,
endormies toujours, même quand vous vous pensez éveillés.
Vous êtes les fruits d’une époque assoupie.
Vos émois sont éphémères,
papillons vite éclos, aussitôt calcinés par la lumière des jours.
Vos mains pétrissent votre vie dans une glaise aride et fade.
Vous êtes dévorés par votre solitude. Votre égoïsme vous engraisse.
Vous tournez le dos à vos frères et vous perdez votre âme.
Votre nature se fermente d’oubli.
Comment les siècles futurs jugeront-ils votre temps ?
Philippe Claudel 2018