Bernanos : PARDONNER À DIEU !

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II y a quelque part ailleurs, je ne sais où,
une maman qui cache pour la dernière fois
son visage au creux d’une petite poitrine qui ne battra plus,
une mère près de son enfant mort,
qui offre à Dieu le gémissement d’une résignation exténuée,

comme si la voix qui a jeté les soleils dans l’étendue,
ainsi qu’une main jette le grain,
la voix qui fait trembler les mondes,
venait de lui murmurer doucement à l’oreille:

“Pardonne‑moi !
Un jour, tu sauras, tu comprendras, 

tu me rendras grâce.
Mais maintenant, ce que j’attends de toi,
c’est ton pardon,
pardonne ! « 

Ceux‑là se trouvent au coeur du mystère,
au cœur de la création universelle,
et dans le secret même de Dieu.

GEORGES BERNANOS – LA LIBERTÉ, POUR QUOI FAIRE ?

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Philippe Claudel : Comment les siècles futurs jugeront-ils votre temps?

Mes lectures du jourBandeau lecture du jour
Je venais de me lever, d’écouter France Info, de m’indigner ( je ne sais plus de quoi),
de m’émouvoir (je ne sais plus de quoi non plus ), de ricaner de la sottise,
de me sentir BON, satisfait,
de me préoccuper des infimes problèmes de ma vie quotidienne,
…lorsque j’ai eu le malheur d’ouvrir distraitement un livre, et de recevoir cette gifle en pleine figure.
Merci aux poètes ( …on croirait de la prose de Rimbaud) qui, pour quelques instants, nous sortent de notre hébétude !
ET VOUS ? est-ce que, comme moi, vous vous sentez concernés par ces imprécations terribles ?


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Comment les siècles futurs jugeront-ils votre temps?

Philippe Claudel
Préambule du roman : L’archipel du chien  (2018)
(c’est moi qui ait lourdement souligné en gras les phrases qui m’interpellent.
Claudel est plus discret, …et d’autant plus féroce )


Vous convoitez l’or et répandez la cendre.
Vous souillez la beauté, flétrissez l’innocence.
Partout vous laissez s’écouler de grands torrents de boue.
La haine est votre nourriture, l’indifférence votre boussole.

Vous êtes créa­tures du sommeil,
endormies toujours, même quand vous vous pensez éveillés.
Vous êtes les fruits d’une époque assoupie.

Vos émois sont éphémères,
papillons vite éclos, aussitôt calcinés par la lumière des jours.

Vos mains pétrissent votre vie dans une glaise aride et fade.

Vous êtes dévorés par votre solitude. Votre égoïsme vous engraisse.
Vous tournez le dos à vos frères et vous perdez votre âme.
Votre nature se fer­mente d’oubli.

Comment les siècles futurs jugeront-ils votre temps ?

Philippe Claudel 2018


Reprenez possession de votre temps !

Hypocrite lecteur
Ne vous inquiétez pas pour moi pas pour moi, ô chers (éventuels ) lecteurs !
Ce ne sontque les petits soucis du monde…
qui ont mis en panne ce blog, qui ne se renouvelle plus guère depuis quelques mois.

Heureusement, je reçois, ce matin, une salutaire admonestation de mon vieil ami, le Cardinal Newman ! Elle me concerne pleinement,
mais vous pourrez peut-être en tirer profit, vous aussi . 
Michel Minc


Abandonnez vos préoccupations, les jalousies, les soucis, les ambitions du monde, l’esclavage de l’habitude…

Commencez dès maintenant, votre résurrection ! Sortez du tombeau ! (…)
Abandonnez vos préoccupations !
…les jalousies, les soucis,
les ambitions du monde,
l’esclavage de l’habitude,
le tumulte des passions,
les fascinations de la chair,
l’esprit froid, terre à terre et calculateur,
la légèreté, l’égoïsme, la mollesse,
la vanité et les manies de grandeur.

Efforcez-vous désormais de faire ce qui vous paraît difficile,
mais qui ne devrait pas, ne doit pas être négligé :
veillez, priez et méditez…

Montrez que votre cœur, vos aspirations et toute votre vie
sont avec votre Dieu ! 
Réservez chaque jour un peu de temps pour aller à sa rencontre…

Je ne vous demande pas de quitter le monde,
ni d’abandonner vos devoirs,
mais de reprendre possession de votre temps

Je ne vous demande pas de quitter le monde,
ni d’abandonner vos devoirs sur cette terre,
mais de reprendre possession de votre temps.

Ne consacrez pas des heures entières aux loisirs ou à la vie en société,
alors que vous ne consacrez que quelques instants au Christ.

« Recherchez les réalités d’en-haut »

Ne priez pas uniquement quand vous êtes fatigués et au bord du sommeil ; Conduisez-vous selon les paroles des Saintes Écritures : « Recherchez les réalités d’en-haut ».
Montrez votre appartenance au Christ, car votre cœur « est ressuscité avec lui » et « votre vie est cachée en lui » (Col 3,1-3).

Bienheureux John Henry Newman (1801-1890), cardinal, théologien,
PPS, vol. 6, n°15 « Rising with Christ »

L’éternité… elle se fait aujourd’hui !

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Une belle méditation de l’artiste anonyme, représentant du « street art » anglais, philanthrope, contestataire, pacifiste…

Redisons avec Rainer Maria Rilke :

Nous sommes les abeilles de l’univers.
Nous butinons éperdument le miel du visible,…
… pour l’accumuler dans la grande ruche d’or de l’ Invisible !

RAINER MARIA RILKE 1910

Une baguette de sourcier pour frapper la surface durcie de mon cœur…

14 février Faire jaillir la source cachée

« Quand je parlerais les langues des hommes et celles des anges, s’il me manque l’amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante.
Quand j’aurais le don de prophétie, la connaissance de tous les mystères et de toute la science, quand j’aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien …
L’amour prend patience; il est généreux, il ne jalouse pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne pense pas à mal … » (Première lettre de Paul aux Corinthiens, chapitre 13).

Tandis que je lisais ce texte, que se passait-il en moi?
j’avais l’impression qu’une baguette de sourcier venait frapper la surface durcie de mon cœur et en faisait aussitôt jaillir des sources cachées.
Et me voilà agenouillée tout à coup près de ma petite table, tandis que, comme libérée, l’amour me parcourait tout entière, délivrée de l’envie, de la jalousie et des antipathies …

(Etty Hillesum – Camp de Westerbork – Février 1942)

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Rainer Maria Rilke : La mort de la bien-aimée…

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RAINER MARIA RILKE


La mort de la bien-aimée

Il savait seulement de la mort
ce que tous savent :
Qu’elle nous prend et nous jette dans le silence.

Mais quand ce fut
ELLE,
non pas arrachée de lui, non !
Silencieusement effacée devant ses yeux,
Qui glissa vers les ombres inconnues,

Et qu’il sentit que, désormais, là-bas,
Ils avaient, comme une lune nouvelle,
son sourire de jeune fille,
et sa manière à elle d’être bienfaisante,

Les morts, alors, lui devinrent si familiers
qu’il se sentit, à travers elle,
tout proche parent de chacun d’eux.
Il laissa parler les autres,
Et ne les crut pas.

Et ce pays où elle allait,
lui, il le nomma :
le “bien-situé” le “toujours-doux”.
Et devant elle qui y marchait,
de la pointe du pied, il y aplanissait le chemin .

RAINER MARIA RILKE
TRADUCTION JEAN-MICHEL MAHENC 1994


Comme ce poème magnifique, caractéristique de la poétique et de la spiritualité de Rilke est difficile à comprendre et à traduire, je vous met ici le texte original en allemand, évidemment plus court et plus sibyllin, pour les « happy few » germanophones :


Der Tod der Geliebten

Er wußte nur vom Tod, was alle wissen :
Daß er uns nimmt in das Stumme stößt.
Als aber sie, nicht von ihm fortgerissen,
Nein, leis aus seinen Augen ausgelöst,
Hinüberglitt zu unbekannten Schatten,

Und als er fühlte, daß sie drüben nun
Wie ein Mond ihr Mädchenlächeln hatten
Und ihre Weise wohlzutun :
Da wurden ihm die Toten so bekannt,
Als wäre er durch sie mit einem jedern
Ganz nah verwandt ;

er ließ die andern reden
Und glaubte nicht und nannte jenes Land
Das gutgelegene, das immersüße — .
Und tastete es ab für ihre Füße

RAINER MARIA RILKE