Je ne connaissais pas ce texte magnifique en entier… Vous qui rentrez ( peut-être ) insatisfaits de vos voyages de l’été, méditez avec nous cette belle pensée stoïcienne !

Tu crois qu’il n’est arrivé qu’à toi,
et tu t’étonnes comme d’une chose étrange,
d’avoir fait un si long voyage et tant varié les itinéraires
sans dissiper la lourde tristesse de ton coeur?
C’est d’âme qu’il faut changer, non de climat.
Tu as eu beau franchir la vaste mer ; «rivages et cités ont beau «reculer sous ton regard», selon l’expression de notre Virgile,
tu seras, où que tu abordes, suivi de tes vices.
À quelqu’un qui formulait la même plainte Socrate répliqua:
«Pourquoi es-tu surpris de ne profiter en rien de tes longues courses ?
C’est toi que tu emportes partout.
Elle pèse sur toi, cette même cause qui t’a chassé au loin.»
Quel réconfort attendre de la nouveauté des sites,
de la connaissance des villes ou des endroits?
Cela ne mène à rien de ballotter ainsi.
Tu demandes pourquoi tu ne sens pas dans ta fuite un soulagement?
Tu fuis avec toi.
Il te faut déposer ce qui fait poids sur ton âme :
aucun lieu jusque là ne te donnera du plaisir. […]
Tu cours çà et là pour rejeter le poids posé sur toi,
et rendu, par le ballottement même, plus incommode:
pareillement, sur le navire, la cargaison, en équilibre stable, exerce une moindre pression;
roulant pêle-mêle dans la cale, elle noie plus vite le flanc où elle porte.
Tout ce que tu fais, c’est contre toi que tu le fais;
et le mouvement même t’est contraire; tu remues un malade.
Ce n’est pas de lieu, c’est d’âme qu’il faut changer.
Sénèque, Lettres à Lucilius, III, 28,1-3