Pourquoi nous devons sans cesse lire et méditer ensemble l’Evangile. ? Voici quelques conseils, et quelques méditations très précieuses d’un grand poète , évêque de Tunisie au IVeme siècle après Jésus-Christ, et plus moderne de pensée que tous les écrivains d’aujourd’hui : Saint Augustin…
L’Evangile, …pour nous comprendre nous-même
Saint Augustin : Pourquoi te parler si tu ne veux pas écouter? … tu refuses de revenir à l’intérieur de toi-même.
Pourquoi te parler si tu ne veux pas écouter? Tu sors toujours dehors, tu refuses de revenir à l’intérieur de toi-même. Celui qui t’enseigne est à l’intérieur … C’est à l’intérieur que nous entendons la vérité, et voici que nous parlons à ceux qui sont à l’extérieur de notre cœur. In Ps 139, 15.
Saint Augustin – L’image de Dieu est au-dedans de vous.
L’image de Dieu est au-dedans de vous. là où se trouve l’intelligence, là où est l’esprit, là où est la raison qui vous permet de rechercher la Vérité, là où est la foi, où est votre espérance, où est votre charité, là Dieu a son image. In Ps 48, sermon II,11.
Se laisser enseigner par le Christ, au fond de nous même
Saint Augustin – Pour vous instruire, il faut qu’il y ait quelqu’un à l’intérieur de vous…
Nous pouvons vous avertir par notre voix ; s’il n’y a pas à l’intérieur de vous… quelqu’un pour vous instruire, c’est en vain que nous, nous faisons du bruit. In Epist Jo III, 13.
Saint Augustin : Notre maître à tous est celui qui habite en nous tous
Et ce n’est pas parce que je parle d’un lieu élevé que je suis votre maître. Le Maître de nous tous est Celui qui habite en nous tous. Sermon 134, 1
C’est le maître intérieur qui enseigne, c’est le Christ qui enseigne. Saint Augustin
Saint Augustin – Mieux vaut la voix de celui qui habite en votre âme, que celle qui retentit au dehors.
Mieux vaut la voix de celui qui habite en votre âme, que celle qui retentit au dehors. Que lui même vous montre la grâce de son humilité, lui qui a voulu habiter en vos cœurs. In Jo III, 15.
Saint Augustin – fais nous heureux de Toi.
0 Seigneur notre Dieu, pour que nous allions vers Toi, fais nous heureux de Toi. Nous ne cherchons pas l’or, ni l’argent, ni les vastes domaines, fais nous heureux de Toi. Saint Augustin – Sermon 113, 6.
Saint Augustin : Fais que je te connaisse, fais que je me connaisse !
La vocation de Matthieu par Caravage ( Rome – XVIIe siècle ) Au milieu des publicains qui sont en train de compter leur argent, le doigt du Christ désigne Saint Matthieu, étonné : « Moi, Seigneur ? «
Fais que je te connaisse , fais que je me connaisse ! Saint Augustin -Soliloques II, 1, 1
L’Evangile, pour ouvrir nos oreilles
Saint Augustin : Mon être est d’écouter, il est la Parole…
Mon être est d’écouter, le sien est de parler ; j’ai besoin d’être illuminé, il est la lumière, Je suis l’oreille, …il est la Parole. Saint Augustin –In Jo XIII, 12.
Saint Augustin : ouvre les oreilles de mon cœur, Seigneur !
La foi vient de l’ écoute. Je goûte une joie bien plus solide à écouter la Parole de Dieu qu’à l’annoncer. Saint Augustin –Sermon 179, 2.
Que je courre après ta voix et que je te saisisse.
Voici que les oreilles de mon cœur sont devant toi, Seigneur, ouvre-les, et dit à mon âme:« Je suis ton salut.» Que je courre après ta voix et que je te saisisse. Saint Augustin -Confessions I, 5.
L’évangile, toujours actif depuis deux mille ans
Saint Augustin : Les enseignements qui sortaient de sa bouche ont été écrits pour nous, proclamés pour nous.
Écoutons l’Évangile comme en présence du Seigneur. Les enseignements qui sortaient de sa bouche ont été écrits pour nous, proclamés pour nous. Ils seront proclamés jusqu’à la fin des siècles. Saint Augustin -In Jo XX, 1.
Saint Augustin – La bouche du Christ, c’est l’Évangile. …il ne cesse de parler sur la terre
La bouche du Christ, c’est l’Évangile. Il siège dans les cieux, et il ne cesse de parler sur la terre. Saint Augustin -Sermon 85, 1.
L’Evangile, pour apaiser notre soif…
Saint Augustin : ne dédaigne pas, quand elle a soif, l’herbe qui t’appartient.…
Ne laisse pas tes dons à l’abandon, et ne dédaigne pas, quand elle a soif, l’herbe qui t’appartient. Saint Augustin –Confessions XI, 3.
Saint Augustin : J’aime… et cela est un don de Toi !
Voici que Ta voix est ma joie, voici que Ta voix l’emporte sur le flot de toutes les voluptés. Donne-moi ce que j’aime. Car j’aime… et cela est un don de toi. Saint Augustin
L’Evangile, pour trouver le vrai bonheur
Saint Augustin : L’Evangile pour devenir heureux…
L’homme devient heureux en touchant par le cœur … …l’être qui est éternellement heureux, qui est l’éternelle béatitude, qui est source de vie, la vie éternelle, qui est source de sagesse, la sagesse parfaite, et source de lumière, cette lumière qui éclaire l’homme et qui est éternelle. Sermon 117, 5.
Saint Augustin : Notre cœur est inquiet… jusqu’à ces qu’il repose en Toi !
Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre cœur est inquiet… jusqu’à ce qu’il repose en Toi. Saint Augustin – Les confessions
Scientisme, matérialisme, Positivisme et …Transfiguration
Ah ! le bon temps… où l’on pouvait être serainement, et confortablement matérialiste, rationaliste, et scientiste… En 1900, comme la matière était encore rassurante. Elle était éternelle, inébranlable, opaque. Epicure et Démocrite l’avait chantée. Elle était faite de boules de billards solides qui s’entrechoquaient depuis toujours, et se renvoyaient l’énergie éternellement. Dans un espace immuable, chacune d’elles parcouraient ces belles trajectoires mathématiques que le démon de Monsieur Laplace rêvait de pouvoir noter et d’inventorier minutieusement pour tout savoir et tout comprendre du Passé et de l’Avenir. En 1900, nous disait Monsieur Lord Kelvin, enfin, la physique était achevée. Il n’y avait plus grand chose à trouver. En 1900, nous disait Monsieur Viviani, la Raison humaine avait éteint, pour toujours, dans le Ciel, les étoiles de la superstition. Et nul n’allait plus jamais pouvoir les rallumer.
Comme vous aviez raison de faire confiance à la Raison humaine, Monsieur Viviani ! Ce n’est pas elle qui vous a trahi. C’est la matière elle-même. C’est la Matière qui nous échappe aujourd’hui. Elle est devenue beaucoup trop belle pour se laisser enfermer dans vos minutieux calculs d’ingénieurs et vos prévisions d’artilleurs… Courtisée par des jeunes fous qui s’appelaient Heisenberg, Schrödinger, Dirac, Dame Matière est devenue transparente, changeante, plus imprévisible et mystérieuse que jamais on n’aurait pu l’imaginer… Mais oui ! la matière, au XXe siècle, est devenue coquette. Il suffit qu’un physicien quantique la regarde pour qu’elle change d’attitude,… Mais oui ! C’est bien connu : la première chose qu’elle remarque chez un homme, c’est … s’il la remarque.
Qu’est-ce que la Matière que nous observons ? Qu’est-ce que la Lumière ? Dans notre Présent, sommes- nous reliés au Passé et à l’Avenir ? Quel est le dialogue entre le REEL et notre conscience ? Le peintre et le physicien se posent les mêmes questions… Albert Einstein et Giovanni Bellini. « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux »
La matière lourde, opaque, inerte de 1900… est devenue à partir de 1930, un édifice mystérieux, en dialogue avec nous. Monsieur Hubble et Monsieur l’Abbé Lemaitre nous l’ont révélé : La matière a une histoire, comme nous !
elle a donc un passé, que nous pouvons déchiffrer et avec lequel nous dialoguons; elle est devenue notre mère, puisque nous sommes « poussières d’étoiles ». et… (désolé Monsieur de Laplace ! ) la Matière n’a pas d’avenir ! Elle n’a pas d’avenir prévisible, puisque cet avenir n’est pas encore inventé… puisque nous sommes nous aussi conviés, en ce présent qui coule entre nos mains, de participer à cette invention de l’Avenir.
Si vous êtres pas convaincus de tout cela, nous y reviendrons abondamment… quand nous méditerons sur l’Histoire de la Révolution quantique et la Cosmogénèse… Mais aujourd’hui, c’est tout cela qu’il faut avoir présent à l’esprit lorsque nous fêtons LA FÊTE DE LA TRANSFIGURATION.
Je me souviens de me stupeur, en parcourant distraitement le grand couloir du Musée Correr qui surplombe la place Saint Marc, à Venise, de découvrir brutalement cette apparition… l’intrusion du surnaturel et de l’Eternité dans l’histoire des hommes : La transfiguration de Giovanni Bellini (1480). On pense à Bergson : « l’Univers est une machine à faire des Dieux ! »
Qu’est-ce que LA TRANSFIGURATION ?
Les trois évangiles synoptiques nous en parlent…Mt 17,1-9 , Mc 9,2-9, Lc 9,28-36 et malgré l’affolement et la stupeur qui avaient saisi les apôtres, ( car Pierre ne savait ce qu’il faisait tant était grande sa frayeur…) les trois récits concordent… Relisons les !
Matthieu 17 -01 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui.
Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre, et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte.
Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! » Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »
Luc 9-27 Je vous le dis en vérité : parmi ceux qui sont ici présents, certains ne connaîtront pas la mort avant d’avoir vu le règne de Dieu. » Luc 9-28 Environ huit jours après avoir prononcé ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie,apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait. Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent. Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.
Marc 9,2-9 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et tous deux s’entretenaient avec Jésus.
The Transfiguration of Christ Giovanni Bellini, c. 1487 Musée du Capodimonte à Naples
Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » De fait, Pierre ne savait que dire, tant leur frayeur était grande. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! »
Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux. Ils descendirent de la montagne, et Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.
Et ils restèrent fermement attachés à cette parole, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ».
Ils se demandaient entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ». Nous aussi, gens du XXIe siècle, nous voudrions bien comprendre les rapports mystérieux entre le Temps et l’Eternité… entre notre vie brêve et l’Histoire cosmique… Giovanni Bellini nous fait ici une belle méditation sur la Ressurrection du Christ, le matin de Päques. Que s’est-il passé exactement pour bouleverser ainsi les soldats de la garde, quelle est la réaction nucléaire qui a irradié et roussi le linceul de Turin ?
Que signifie LA TRANSFIGURATION ?
Je fouille dans les trésors de ma bibliothèque, et je découvre ce texte génial d’un THEOLOGIEN ARABE. Il s’appelle Jean Mansour, Mansour ibn Sarjoun… Vous ne le connaissez pas ? Il est pourtant devenu DOCTEUR DE L’EGLISE et les orthodoxes comme les catholiques le vénèrent comme un saint et un Père de l’Eglise. On l’appelle JEAN DE DAMAS, ou JEAN DAMASCENE
Jean Damascène est né dans une famille chrétienne syriaque éminente de Damas au viie siècle. Son grand-père, Mansour, était chargé de la collecte des impôts de la région par l’empereur Héraclius. À la prise de la ville par les troupes arabo-musulmanes en 635, il resta en poste dans la nouvelle administration, comme nombre de fonctionnaires chrétiens. Le père de Jean, Serge (ou, en arabe, Sarjoun ibn Mansour) servit lui aussi les califes musulmans : il percevait des taxes dans l’ensemble du Moyen-Orient. Il obtint des califes omeyyades qu’ils épargnent à Damas la basilique Saint-Jean-Baptiste ; toutefois, l’édifice fut transformé en mosquée 70 ans après la conquête musulmane. Sarjoun eut deux fils, dont celui qui devait être connu comme « Jean Damascène » Après la mort de son père, Jean a également servi un haut officier à la Cour du califatomeyyade avant de devenir moine à Jérusalem.
Jean de Damas – Homélie pour la fête de la Transfiguration
Il y a beaucoup à dire sur ce texte magnifique… On en reparlera
Jadis, sur le mont Sinaï, la fumée, la tempête, l’obscurité et le feu (Ex 19,16s) révélaient la condescendance extrême de Dieu, annonçant que celui qui donnait la Loi était inaccessible…et que le créateur se faisait connaître par ses oeuvres. Mais maintenant tout est rempli de lumière et de splendeur. Car l’artisan et le Seigneur de toutes choses est venu du sein du Père. Il n’a pas quitté sa propre demeure, c’est-à-dire son siège dans le sein du Père, mais il est descendu pour être avec les esclaves. pour que Dieu, qui est incompréhensible pour les hommes, soit compris. Il a pris la condition de serviteur, et il est devenu un homme en sa nature et en son comportement (Ph 2,7), pour que Dieu, qui est incompréhensible pour les hommes, soit compris. Par lui-même et en lui-même, il montre la splendeur de la nature divine. Autrefois Dieu avait établi l’homme en union avec sa propre grâce. Autrefois Dieu avait établi l’homme en union avec sa propre grâce. Quand il a insufflé l’esprit de vie au nouvel homme formé de terre, quand il lui a communiqué ce qu’il avait de meilleur, il l’a honoré de sa propre image et ressemblance (Gn 1,27). Quand il a insufflé l’esprit de vie au nouvel homme formé de terre, quand il lui a communiqué ce qu’il avait de meilleur, il l’a honoré de sa propre image et ressemblance (Gn 1,27). Il lui a donné l’Eden comme demeure et a fait de lui le frère intime des anges. puisque nous avions obscurci et fait disparaître l’image divine sous la boue de nos désirs déréglés Mais puisque nous avions obscurci et fait disparaître l’image divine sous la boue de nos désirs déréglés, le Compatissant est entré dans une seconde communion avec nous, beaucoup plus sûre et plus extraordinaire que la première. Tout en demeurant dans l’élévation de sa divinité, il accepte aussi ce qui est en dessous de lui, créant en lui-même l’humain ; il mêle l’archétype à l’image, et aujourd’hui il montre en elle sa propre beauté.
Son visage resplendit comme le soleil, car dans sa divinité il est identifié avec la lumière immatérielle ; c’est pour cela qu’il est devenu le Soleil de justice (Ml 3,20). Mais ses vêtements deviennent blancs comme la neige, car ils reçoivent la gloire par revêtement et non par union, par relation et non par nature. Et « une nuée de lumière les couvrit de son ombre », rendant sensible le resplendissement de l’Esprit. Saint Jean de Damas (v. 675-749), moine, théologien, docteur de l’Église Homélie pour la fête de la Transfiguration ; PG 96, 545 (trad. Bellefontaine 1985, coll. Spi. Or. n°39, p. 191 rev.)
L’évangéliste n’a jamais dit… qu’ils étaient rois.
Mais pour offrir des choses aussi précieuses que de l’or et de l’encens, il faut au moins…
( pour des pauvres bergers ) …venir d’un palais de roi !
Ils étaient mages. Ils scrutaient des mystères… scientifiques ? astrologiques ?…
Qu’ont-ils vu dans le ciel, vers l’an 6 ou l’an 4 avant JC ? la conjonction rare (et intermittente ) de Jupiter et de Saturne, qui faisait apparaitre ainsi dans le ciel nocturne de l’Orient comme une étoile nouvelle…?
Ils étaient en recherche… en demande de vérité.
La Vérité, ils ont été la chercher, vers l’Occident.
Ils ont été VOIR…
Au terme d’une longue quête, ils ont trouvé cette Vérité mystérieuse et déconcertante : l’incarnation d’un petit enfant dans une étable misérable…
Eux, ils ont adoré ce qu’ils ne connaissaient pas .
Et ils ont médité cette Vérité. Et ils l’ont conservé dans leur cœur.
Et ainsi, ils ont protégé cette Vérité précieuse qu’ils avaient découverte.
Ils ont eux l’audace… d’écouter leurs rêves,
et de ne pas retourner chez Hérode « parce qu’il voulait du mal à cet enfant ! »
Bouleversés par cet enfant, ils ont choisi de retourner chez eux par un autre chemin,
sans passer par Jérusalem.
Ils ont évité cette ville sainte, douloureuse et contradictoire…
… « la ville qui tue ses prophètes ».A Jérusalem, les juifs, les scribes, les pharisiens, les grands prêtres, connaissaient la Vérité.
Ils SAVAIENT que le Messie allait venir.
ils savaient mème… où le messie allait venir !
« A Bethléem, en Judée, dans la ville du roi-David, Bethléem, « la maison du pain »…
Ils savaient, et ils n’ont pas daigné se déplacer pour vérifier.
Ils n’ont pas voulu TROUVER réellement cette Vérité qu’ils annonçaientet attendaient depuis dix siècles.
Etrange apathie ! Etrange aveuglement !
Nous, chrétiens d’aujourd’hui, riches, instruits, apathiques, somme nous si différents ? » Ce peuple m’honore du bout des lèvres, mais son cœur est loin de moi ! »
Ecoutons ce qu’en dit Edith Stein, (1891-1942)
Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix , carmélite, martyre, copatronne de l’Europe
(Vie cachée et Epiphanie- trad. Source cachée, Cerf 1999, p. 245)
« Le Christ est notre paix : d’Israël et des païens il a fait un seul peuple ; par sa chair il a fait tomber le mur de la haine qui les séparait » (Ep 2,14)
Les personnes réunies autour de la crèche nous offrent déjà une image de l’Église et de son déploiement. Les représentants de l’ancienne lignée royale à qui était promis le Sauveur du monde et les représentants du peuple croyant font le lien entre l’ancienne et la nouvelle Alliance. Les rois du lointain Orient figurent les peuples païens qui devaient recevoir le salut de Juda (Jn 4,22). Ainsi, « l’Église issue des Juifs et des païens » est déjà présente ici. À la crèche, les rois mages sont les représentants des chercheurs de Dieu de tous pays et de toutes nations. La grâce les a conduits avant même qu’ils n’appartiennent à l’Église visible. Un pur désir de la vérité les habitait, qui ne s’en tenait pas aux limites des enseignements et des traditions de leurs pays. Parce que Dieu est vérité et qu’il veut se laisser trouver par ceux qui le cherchent de tout leur cœur (Jr 29,13), l’étoile devait tôt ou tard briller aux yeux de ces sages pour leur indiquer le chemin vers la vérité.
C’est ainsi qu’ils se sont retrouvés devant la Vérité faite homme, qu’ils se prosternent en l’adorant et déposent à ses pieds leur couronne car, comparées à elle, toutes les richesses du monde ne sont qu’un peu de poussière.
Vous avez le droit d’exiger qu’on vous montre la Crèche. La voici.
Voici la Vierge, voici Joseph et voici l’Enfant Jésus.
L’artiste a mis tout son amour dans ce dessin, vous le trouverez peut-être naïf, mais écoutez.
Vous n’avez qu’à fermer les yeux pour m’entendre et je vous dirai comment je les vois au-dedans de moi.
La Vierge est pâle et elle regarde l’enfant.
Ce qu’il faudrait peindre sur son visage,
c’est un émerveillement anxieux, qui n’apparut qu’une seule fois sur une figure humaine,
car le Christ est son enfant, la chair de sa chair et le fruit de ses entrailles.
Elle l’a porté neuf mois.
Elle lui donna le sein et son lait deviendra le sang de Dieu.
Elle le serre dans ses bras et elle dit : « mon petit » !
Mais à d’autres moments, elle demeure toute interdite et elle pense :
« Dieu est là »,
et elle se sent prise d’une crainte religieuse pour ce Dieu muet, pour cet enfant, parce que toutes les mères sont ainsi arrêtées par moment,
par ce fragment de leur chair qu’est leur enfant,
et elles se sentent en exil devant cette vie neuve qu’on a faite avec leur vie et qu’habitent les pensées étrangères.
Mais aucun n’a été plus cruellement et plus rapidement arraché à sa mère,
car Il est Dieu et Il dépasse de tous côtés ce qu’elle peut imaginer.
Et c’est une rude épreuve pour une mère
d’avoir crainte de soi et de sa condition humaine
devant son fils.
Mais je pense qu’il y a aussi d’autres moments rapides et glissants où elle sent à la fois que le Christ est son fils, son petit à elle et qu’il est Dieu.
Elle le regarde et elle pense :
« ce Dieu est mon enfant ! Cette chair divine est ma chair,
Il est fait de moi, Il a mes yeux et cette forme de bouche, c’est la forme de la mienne.
Il me ressemble, Il est Dieu et Il me ressemble ».
Et aucune femme n’a eu de la sorte son Dieu pour elle seule.
Un Dieu tout petit qu’on peut prendre dans ses bras et couvrir de baisers,
un Dieu tout chaud qui sourit et qui respire,
un Dieu qu’on peut toucher et qui vit, …
…et c’est dans ces moments là que je peindrais Marie si j’étais peintre,
et j’essayerais de rendre l’air de hardiesse tendre et de timidité avec lequel elle avance le doigt pour toucher la douce petite peau de cet enfant Dieu dont elle sent sur les genoux le poids tiède, et qui lui sourit.
Et voilà pour Jésus et pour la Vierge Marie.
Et Joseph. Joseph ?
Je ne le peindrais pas.
Je ne montrerais qu’une ombre au fond de la grange et aux yeux brillants,
car je ne sais que dire de Joseph.
Et Joseph ne sait que dire de lui-même.
Il adore et il est heureux d’adorer.
Il se sent un peu en exil. Je crois qu’il souffre sans se l’avouer.
Il souffre parce qu’il voit combien la femme qu’il aime ressemble à Dieu.
Combien déjà elle est du côté de Dieu.
Car Dieu est venu dans l’intimité de cette famille.
Joseph et Marie sont séparés pour toujours par cet incendie de clarté,
et toute la vie de Joseph, j’imagine, sera d’apprendre à accepter.
Joseph ne sait que dire de lui-même : il adore et il est heureux d’adorer. »
FIN
Qui a écrit ce texte magnifique ?
Nous sommes en 1940, en Allemagne, dans un camp de prisonniers français.
Des prêtres prisonniers demandent à un jeune normalien, professeur de philosophie à Neuilly, et prisonnier depuis quelques mois avec eux, …
…de rédiger une petite méditation pour la veillée de Noël.
Il s’appelle Jean-Paul Sartre.
Il va offrir à ses camarades ces quelques lignes inspirées.
A-t’on mieux médité le mystère de l’Incarnation ?
Un demi-siècle plus tard, Jean-Paul Sartre va conclure son itinéraire spirituel en écrivant: « LES MOTS »
« L’athéisme est une entreprise cruelle, et de longue haleine ! »
L’Esprit saint souffle… où Il veut, quand Il veut !
NB. le texte se trouve intégralement dans l’ouvrage Les écrits de Sartre de M. Contat et M. Rybalka, NRF 1970].